Je n’aime pas parler de moi, encore moins de mes petites aventures, et je me cache volontiers derrière cet Armailli Dépareillé bien pratique. Mais bon, allons-y pour y fois.
En mai 2023 en faisant le trail de Noble-Contrée à Sierre, Pierrick me dit « J’ai discuté avec 2 gars qui préparent l’UTMB» et s’entame alors une petite discussion sur le sujet.
Etant de nature anticonformiste, j’ai toujours mis cette course de côté, en disant que cela ne me correspondait pas, que je n’aimais pas faire « comme les autres », bref, un discours fermé, pas de place au rêve d’y participer, sans même parler du fait de s’en sentir capable.
Et d’un autre côté, en parlant avec Pierrick j’ai ouvert dans mon esprit l’idée que si on pouvait vivre une telle expérience, qu’on avait les moyens physiques et la possibilité de le faire, il fallait prendre sa chance pour ne rien regretter lorsque le temps des souvenirs seraient venus. Une petite porte s’ouvrait dans mon esprit.
Justement cette année 2023 j’avais en tête de faire un premier ultra, la Swisspeak 170. Si je le faisais et si j’y arrivais, cela ouvrait le champ des possibles mais il faudrait alors attendre de voir si la Swisspeak passait, puis entamer une longue course au Running Stones sur des courses UTMB qui ne m’attirent pas spécialement (En raison de la trop grande fréquentation) et ensuite espérer un tirage au sort pour peut-être un jour participer à l’UTMB, en 2026 ou 2027 ou dieu sait quand. Et je ne peux absolument pas me projeter si loin.
J’ai donc décider de placer des jalons sur le parcours pour créer ma propre voie.
1er jalon obligatoire : avoir un index 100 miles valide
Avant la Swisspeak, j’avais prévu la Swiss Canyon Trail 81km en juin 2023. Cette course ouvrait la première porte de l’UTMB : il faut en effet avoir fait une course avec un indice 100M, et cette course relativement « courte » donnait déjà un tel index. C’est un hasard, mais qui tombait bien.
2ème jalon obligatoire : avoir au moins une Running stone
Il fallait donc participer à une course « à Running Stone ». J’ai donc fait les 42km de Verbier en juillet 2023 pour avoir 2 Running Stone. J’aurais pu faire le 26km pour en avoir qu’une, mais j’avais quand même envie de profiter un moment de la montagne. Bref, j’ai fait les 42km (Très beau parcours, mais sinon cela m’a un peu énervé de me retrouvé au milieu d’une masse de coureurs, dont moi, dans un bouchon infernal sur la course, tout ce qui me rebutait d’avance sur l’idée que je me faisais des courses by UTMB).
3ème jalon personnel : réussir un 100 miles
Je ne voulais pas me lancer sur un chantier comme l’UTMB sans avoir réussi un 100 miles avant et avoir acquis de l’expérience. Donc Swisspeaks 170 comme prévu. C’est passé à la raclette mais c’est passé en septembre 2023.
4ème jalon : tirage au sort.
Je savais que je n’aurais pas la motivation suffisante pendant plusieurs années de suite pour faire ce genre de trucs. Quand j’ai envie je fais, et quand j’ai plus envie je fais plus. Donc je ne voulais pas participer à un tirage au sort incertain, d’autant plus avec seulement 2 Runnings Stone.
J’ai donc choisi d’acheter mon dossard solidaire dès l’ouverture.
Pour cela tu dois choisir une association et faire un don de 2’000 EUR. Ensuite l’UTMB te prend 200 EUR de frais de gestion… Puis tu paies ensuite ton inscription comme un coureur normal, 445 EUR.
Donc 2’645 EUR.
Alors oui ça fait une blinde. Mais d’un autre côté :
Participer à 4 ou 5 courses By UTMB m’aurait coûté j’imagine 1’000 EUR en comptant les frais d’inscription, déplacement, logement. Et tout ça sans garantie de participer.
En faisant un don, je suis sûr de participer et je ne donne pas encore 1’000 EUR à l’UTMB. Dans ma tête je préfère payer plus pour une bonne cause que pour l’UTMB qui doit déjà suffisamment bien vivre.
De plus, en faisant la course, je me suis rendu-compte que des coureurs viennent du monde entier et doivent dépenser beaucoup eux-aussi. Quand on est à 2h de route de Chamonix, on ne se rend pas compte des coûts et de l’engagement nécessaire pour qu’un japonais ou un péruvien participe à cette course : billet d’avion, vacances à prendre, hôtel, etc.
Bref, j’ai fait poker, j’ai tout misé sur l’UTMB 2024 et j’ai payé tout ce montant faramineux en décembre 2023, en serrant les dents pour qu’aucune blessure ne viennent d’ici l’été 2024. En janvier j’ai réservé le camping à Chamonix, dès l’ouverture des réservations. Le type il est organisé (23 euro la nuit, au moins ça c’était pas cher)…
S’ensuivit une préparation « minimaliste » comme à mon habitude (Je suis partisan du « il vaut mieux en faire juste pas assez que trop »), différentes courses de prépa en 2024, rien de plus finalement que pour ma « prépa » Swisspeaks. Je monte tout doucement en charge, sans plan d’entraînement, juste aux sensations.
Entre janvier et août 2024, j’avais fait 1’000km de course avec 30’000D+, 350km de rando 12’000D+ et un peu de ski de fond. Loin des standards préconisés par les plans d’entraînements. Mieux vaut pas assez que trop j’te dis…
Finalement le grand jour approchant, les doutes s’installent, bref, la pression habituelle des avant-courses. Je ne visais naturellement que le but de finir dans le temps imparti.
Je vous passerai sur les détails de ma course. Ce fût un enfer du début à la fin. Je n’ai pas pu m’alimenter correctement et dès le 70ème km j’ai dû forcer pour passer les barrières horaire, avec 5min de marge à peine. Tu arrives. Tu remplis tes flasques. Tu manges 2 tranches de pastèques (Le seul truc qui passait) et tu cours vers la sortie. Et rebelotte comme ça pendant presque 100 bornes.
J’ai quand même pu faire 2 siestes de 15min à Champex et Trient, les seuls endroits où j’ai eu 20min d’avance sur la barrière. Et sinon 2×15 autres minutes roulé en boule au bord du talus. Rien de bien spécial, tu connais l’histoire si tu as fait un ultra.
Mais sans énergie et avec des nausées tout le long, le chemin vers Chamonix était extrêmement chaotique. Mais je suis une grosse tête et j’avance tant qu’une barrière ne m’arrête pas. Ne pas avoir de regret. Ne pas avoir fait tout ça pour ça. Ne rien lâcher. Jamais.
Je fais ma course seul, sans accompagnant. Je trouve que je prends déjà suffisamment du temps de famille pour ma pratique de la course sans leur imposer de venir me tendre une flasque tout les 30km toute la nuit. Donc je me suis organisé avec mon sac à dos trop lourd et mon sac d’allègement trop petit.
Pierrick, Lowen, et mon fils Elouan m’ont fait la surprise de me rejoindre dès Trient pour m’encourager. Super plaisir d’autant plus quand c’est inattendu, et surtout un énorme plaisir de franchir la ligne avec eux. Cela n’aurait quand même pas été la même chose d’arriver seul à Chamonix, même si c’est ce qui était prévu.
Maintenant ce que m’apporte tout cela est très personnel et chacun trouve dans sa course une petite parabole de sa vie en raccourci. On trouve les ressources, ou pas, pour passer les moments difficiles. On retente, on apprend, ou pas.
Rien n’est juste, rien n’est faux. Chacun fait sa course, chacun fait son chemin de vie et grandit.
Il faut passer par de grandes difficultés pour avoir un énorme sentiment de bien-être dès que le plus dur est derrière nous. L’être humain est ainsi.
Mais la vie est plus difficile que la course. Certains doivent avancer dans la vie et traverser des épreuves bien plus grandes que d’avancer d’un ravito à l’autre. Certains doivent puiser autrement plus profond et plus longtemps pour passer des moments critiques de leur vie. S’en sortir. Dans la maladie, dans la détresse, il faut toujours voir devant. Toujours. Ne rien lâcher. Jamais ! Et à la fin il y aura aussi une délivrance, un énorme sentiment de bien-être.
Courage à tout ceux qui passent par là.
Courage à toi, ma fille, Ombline.

Courage!